« La fusion du jazz et du funk était une évidence pour ces artistes pionniers afin qu’ils expriment leurs créativités festive de leur époque sans reniement des exigences de la technique ni même de l’âme jazz qui les envoûte»

Al Jarreau

BIO

Al Jarreau a sans conteste dominé la scène musicale jazz/pop/R&B pendant 30 ans. Il a marqué d’une pierre blanche toutes les variantes musicales noires de la décennie 80 avec un répertoire de titres et albums qui sont devenus cultes pour toute une génération bercée par ses vocalises inimitables mises magistralement en musique par les plus doués musiciens de l’industrie musical de la côte Ouest des Etats Unis. Al Jarreau est né en 1940 dans le Milwaukee Wiscousin. Son père, vicaire, est père d’une famille de six enfants. Dès son plus jeune age, Al, qui s’était un temps destiné à suivre la voie de son père, s’improvise chanteur avec ses frères à l’occasion des fêtes de quartier. A la fin de ses études secondaires, Al manifeste un talent pour le basket, mais il choisit d’aller étudier la psychologie à l’université. En ce temps, il se produit avec quelques amis dans une formation : the indigos pendant le week end et les vacances. En 1966, il est diplômé d’un master option rééducation vocale. Il déménage à San Francisco pour travailler comme ré-éducateur dans sa spécialité.

Mais son travail commence à le lasser, et décide d’utiliser autrement ses cordes vocales. Un jour, il se produit dans un club de jazz avec un trio de musiciens emmené par George Duke. Il réalise à ce moment, que c’est la carrière de chanteur qu’il veut embrasser. Il déménage à Los Angeles. Il se produit dans de nombreux clubs branchés de la ville et part même à la conquête de New York où il fait la connaissance de nombreux artistes du milieu du spectacle. Mais il ne parvient toujours pas s’imposer dans l’industrie du disque encore toute entière tournée vers le rock. Mais la persévérance finit par payer, car il décroche finalement un contrat avec Warner Bros pour une durée de 20 ans ! Le premier album « we got by » est enregistré en 1975. A sa sortie, il est acclamé par la critique jusqu’en Europe où Al gagne de nombreux prix en Allemagne. L’album suivant « glow » fait dans le même succès. En 1977, il part en tournée en Europe, il en sort un double album LIVE « look to the rainbow » qui lui rapportera un grammy Award pour la meilleur performance vocale Jazz. En 1978, pour le 4ème album ; « all fly home » Al est récompensé à nouveau d’un grammy Award. En 1980, le début de sa collaboration avec le guitariste/producteur californien Jay Graydon, pour l’album « this time » marque la volonté de Al d’élargir son registre quelque part entre le jazz, la pop et la fusion. C’est en 1981, avec « breaking away » que Al Et Jay trouvent le bon ton ; Deux grammys, un disque de platine viennent en récompense pour cette album. Les albums « jarreau » (1983) et « high crime » (1984) marquent l’apogée artistique de Al dans ce registre fait sur mesure pour lui et cimente définitivement son statut de superstar internationale. En 1985, Al part en tournée en Angleterre et l’album consécutif « Al Jarreau in London » contribuent à consolider sa réputation de bête de studio et de scène. En 1986, son association avec le producteur Nile Rogers (ex-guitariste de CHIC) aboutie à l’album « L is for lover » et « moonlightning » la chanson thème de la série du même nom (clair de lune). L’album « heart horizon » qui affiche les retrouvailles avec Jay Graydon et George Duke à la production rapporte la 2ème place des charts R&B pour le titre « so good » et une nouvelle nomination pour les grammy Awards.

Après une absence des studios de 4 ans, Al revient en 1992 avec un nouvel album « heaven and earth » produit par Narada Michael Walden qui l’oriente davantage dans un registre pop/R&B. Al récolte un nouveau grammy pour la meilleur performance vocale R&B. En 1994, Al revient à ses racines avec l’album jazzy « Tenderness » produit par Marcus Miller. En 1998 Jarreau signe chez GRP records et l’album « tomorow today » produit par le maître de la smooth jazz Paul Brown est un tremplin idéal pour le 21ème  siècle ; il recèle des trésors de musicalité et la magie était toujours au rendez-vous. Malheureusement, Al Jarreau a quitté ce monde le 12 février 2017 , "mister magic" n'est plus mais son héritage demeurera longtemps.

Discographie vinyle

  •  We got By (Reprise 1975)

  • Glow (Reprise 1976)

  • Look to the Rainbow  (Warner Bros 1977)

  • All Fly Home (Warner Bros 1978)

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Mon avis : Après « this time », Al Jarreau et son désormais producteur artistique Jay Graydon rempile pour un 2nd album ensemble haut en couleur. « Breakin’ away » est une association symbiotique entre le jazz vocal inné de Al et la maitrise des arrangements pop westcoast romantique de Jay Graydon. La collaboration de Tom Canning se fait entendre sur la réorientation plus jazzy que pop sur cet album en comparaison à la livrée précédente. « Closer to your love » est une mise en appétit jazz vocal de ce qui vient après ; « my all friend » ; ballade sentimentale devenue un classique, « our love » et "we're in this love together" ne sont pas en reste non plus dans ce registre sentimental luxieusement instrumentalisé. Le piano Fender Rhodes mark II est dynamique et cristallin, utilisé dans presque tous les titres pour le grand plaisir des amateurs de ce piano électrique mythique. « roof garden » est la cadeau jazz funk de l’album de même gabarit que « distracted » de l’album « this time ». George Duke aux manettes sait nous faire swinguer et sonner chaleureusement les cuivres. « breakin’ away est un titre à viser les charts US et à séduire un public international large par des arrangements pop westcoast de haut niveau; vitrine du savoir faire californien en la matière. Lon Price fait des solos de sax (sur les ballades) notamment sur « teach me tonight » à préparer le terrain pour une fin de soirée heureuse. Seul bémol ; « blue rondo à la turc » est un titre aussi étrange que son titre. On ne va pas faire la fine bouche, « breakin’ away » a tous les ingrédients d’un très grand album de jazz funk à la sauce westcoast. Chapeau les artistes.

Face 1 Face 2
Mornin’ Step by step
Boogie down Black and blues
I will be here for you Trouble in paradise
Save me Not like this
  Love is waiting

Mon avis : L’album marque une collaboration fructueuse et fertile entre la pop californienne de Jay Graydon et le jazz fusion de Tom Canning. Cette 3ème collaboration entre Al et son producteur est la plus aboutie artistiquement et ce sur tous les titres. Cette symbiose prend la forme d’un swing funky et jazzy parfaitement mené par la crème des musiciens de la côte ouest. Le fameux « boogie down » est une invitation pour la piste de danse, "mornin'" à une rêverie romantique. Entièrement focalisé musicalement sur un piano électrique Fender Rhodes® particulièrement éclatant et un jeu de cuivres jazz puissant et chaleureux, les morceaux sont une invitation à un voyage où découverte, joie et émotions tendent vers un nirvana musical rarement égalé.  Un véritable masterpiece.

 

 

Mon avis : « high crime » n’est pas une évolution dans la discographie de Al Jarreau mais une révolution, portée par une armada de synthétiseurs tout juste déballés des cartons et mises en service par les programmeurs analogiques les plus chevronnés de la côte Ouest. En 1984, les techniciens et les ingénieurs du son  ont pris du galon au détriment des musiciens. Cette mutation du son de studio était inéluctable, après avoir exploré et ratissé la pop jazz avec des albums artisanaux de grandes qualités, mais de même mouture globalement. Il fallait accompagner musicalement la mutation de la société US vers la quête de valeurs individualistes et « regarder derrière la colline verdoyantes la promesse d'un futur meilleur que seul l'Amérique est capable d'offrir, garant du monde libre ». Al Jarreau et son producteur ont construit « high crime » ; un album « Reaganien » par essence, sans doute sans le savoir consciemment pour accompagner l'idée en musique que la modernité justifie le besoin d’aller plus haut, plus fort, avant les autres pour son épanouissement personnel duquel dépend le bonheur des autres, en l’occurrence ici ses auditeurs.

Sur la forme, la programmation synthétique est efficace, quelquefois agréable, sauf sur  "raging water" (seul titre indigeste de l'album et propagande militariste par ailleurs) ,mais frénétiquement marqué FM sur les titres les plus pop : « "just pretend" ; "love speak louder than words" et "tell me". "After all" est un titre merveilleux ; ballade slow romantique et triste à la fois qui touche au cœur, classiquement accompagné de la patte magique de David Foster sur son clavier DX-1, réglé cristallin comme jamais auparavant. Heureusement, il y a "imagination", "high crime" et "sticky wicket" qui conservent un cachet ou une patine de jazz funk pour satisfaire ou contenter les nostalgiques du Al Jarreau d’ « hier ». Avec une section de cuivre à l’effectif, certes réduit, mais au jeu puissant et son tempo de marche réglé comme un métronome, Al Jarreau sonne l’illusion d’être encore dans le coup pour le dancefloor. Pour les mélancolique, il y aura toujours "fallin’" un titre planant et envoutant qui nous rappelle sans cesse au temps qui passe…Aujourd’hui « high crime » apparait comme un OVNI dans la discographie de Al Jarreau, mais il demeure incontournable pour celles et ceux qui aiment le son FM façon westcoast avant-gardiste hier, hors du temps aujourd’hui.

Face 1 Face 2
Tell me what I gotta do Across the midnight sky
L is for lover (we got) telepathy
Says Give a little more lovin’
Pleasure No ordinary romance
Golden girl Real tight

Mon avis : Nile Rodgers a sorti l’artillerie lourde, il a rassemblé de gros moyens techniques d’enregistrement et a réuni des musiciens pointus pour offrir à Al Jarreau un de ses plus bels albums. Plus funky que jamais, Al Jarreau prend du plaisir dans ce registre et nous aussi. « L is for lover » est un hit club redoutable de la liste, « pleasure » se déroule comme un tapis rouge funky pour les amateurs de mélodies qui sentent bon la westcoast. Les accros de fusion ne seront pas déçu avec « across the midnight sky » qui réconcilie groove et latin jazz. « give a little more lovin’ » est la ballade romantique de l’album. La programmation synthétique est très présente mais domestiquée et sonne toujours juste, les arrangements rigoureux, la guitare solo de Nile se fait entendre comme une marque de fabrique, l’enregistrement et le mixage sont au top, le résultat confère à L is for lover une qualité d’écoute exceptionnelle. En bonus, Nile et Al ont enregistré dans la foulée avec les mêmes ingrédients le titre B.O. de la série "clair de lune (avec Bruce Willis) : moonlightning. On se régale avec tant de nostalgie.

Mon avis : Du lourd du très lourd même pour signer le retour de Al Jarreau en studio 4 ans après son précédent Opus. « heaven and earth » est un projet qui se veut ambitieux sur le fond entre Al Jarreau et Narada Michael Walden qui s’implique plus que jamais dans la production artistique en co-composant de nombreux titres, par ses arrangements méticuleux et construits mais relativement opportunistes sur la forme si l’on se réfère à ses productions du moment qui se ressemblent dans leur architecture et leur tonalité. Al Jarreau prend le risque de s’éloigner du jazz et s’aventure dans un univers pop R’nB dopé en nappes synthétiques et d’effets de studio accrocheurs avec un répertoire de titres quet storm  chargés de mysticisme et de bons sentiments. "what you do to me"  est le seul titre qui échappe à cette brise de mélancolie, puisqu’il réveille assez énergiquement de manière funky le quinquagénaire que Al est devenu et nous avec : Mr magic is back ! Malheureusement le soufflet retombe et le miracle ne se reproduit pas. Les titres qui s’enchaînent tout autant qu’ils pouvaient être appréciés dans la décennie 90 nous font douter de la pertinence artistique de cet album dans la discographie de Al Jarreau. S’agit-il d’une voie exploratoire légitime pour artiste complet s'éloignant du jazz chanté à l'instar de « high crime » en 1984 ou d’une nième production de Narada qui monte en maitrise du son studio mais aussi en mégalomanie ? A vous d’écouter voir !

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